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La situation en 1914 / Alastair Lamb 28/11/2009

Posted by Rincevent in History of Tibet / Alex McKay.
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Encore un chapitre sur le statut du Tibet à la veille de la Première Guerre mondiale. L’article est intéressant car il aborde également la manière dont les Tibétains et les Britanniques sont entrés au contact au XVIIIe siècle avant que les premiers ne coupent les ponts. Le XIXe siècle sera celui de la confrontation et du refus de communiquer.

En effet, au XVIIIe siècle les Britanniques ont pu trouver une oreille attentive en la personne du VIe Panchen-lama et espéraient le voir jouer le rôle d’intermédiaire pour entrer en contact avec l’empereur de Chine. Malheureusement pour eux, leur tentative a tourné court, les Tibétains s’étant refermés sur eux-mêmes. Ils forcèrent donc la Chine à établir des relations au milieu du XIXe. Les Tibétains, eux, deviendront de plus en plus xénophobes en voyant leurs nouveaux voisins intervenir au Népal, au Bhoutan, et protéger les Dogras du Cachemire qui tentèrent d’envahir le Tibet. De leur coté, les Britanniques constatent que les petits royaumes au sud de l’Himalaya entretiennent tous des relations avec le Tibet et estiment donc nécessaire d’en faire de même. Mais le statut du pays pose problème : est-il chinois ou non ? Les Tibétains refusent tout dialogue direct sans l’accord de la Chine, et les Chinois affirment que les Tibétains s’opposent à toute relation avec l’extérieur… En 1876, la Chine donne son accord de principe pour faire oublier la mort d’un officier britannique sur la frontière sino-birmane. Elle accepte donc d’émettre des passeports pour le Tibet mais signale que certaines choses peuvent échapper à son contrôle. Ce n’est qu’en 1885 que l’Inde décide de monter une expédition pour le Tibet avec le soutien de chambres de commerce avides de vendre du thé indien au Tibet. La Chine fournit les passeports demandé mais rapporte une forte opposition locale qui fait annuler la mission. Une convention passée en 1886 oblige la Chine à inciter les Tibétains à établir des relations avec l’Inde, mais si l’opposition est trop forte, celle-ci s’abstiendra d’insister. Face à ces tentatives, les Tibétains envoient une force occuper un vieux fort au Sikkim voisin et refusent de se replier malgré les injonctions chinoises. Il s’agit de rappeler que le Sikkim est vassal du Tibet. Après plus d’un an de démarches, l’Inde passe à l’action et envoie une force de 2 000 hommes déloger les Tibétains en mars 1888. À la fin de l’année, c’est l’amban de Lhassa lui-même qui vient sur place constater la situation et discuter avec les Britanniques à qui il affirme que la Chine est responsable des relations extérieures du Tibet et de ses dépendances. La Chine finit toutefois par abandonner le Sikkim aux Britanniques et reconnait la nécessité de définir la frontière. Le Tibet n’a pas été convié aux négociations de 1890 et 1893. Hors l’accord de 1893 autorise la création d’un marché libre de droits de douane à Yatung, dans la vallée de la Chumbi dont la route mène à Lhassa. Les Tibétains bloquent alors la route menant au Tibet central avec des murs de pierre et taxent les marchandises à 10%. Quand les Britanniques tentent de marquer la frontière, les Tibétains refusent de participer et se retirent, les piliers érigés étant rapidement détruits. Les Tibétains réoccupent même un poste militaire au nord du Sikkim.

Le Sikkim © Université d'Austin, Texas

Le Sikkim © Université d'Austin, Texas

L’Inde comprend vite que la Chine n’a aucun contrôle sur le Tibet et ne peut le forcer à respecter les accords passés. Mais le gouvernement préfère laisser les choses où elles en sont pour ne pas se fâcher avec la Chine. L’arrivée de Lord Curzon en Inde et du XIIIe Dalaï-lama au Tibet marque un tournant : ce dernier refuse de coopérer avec la Chine et tente d’imposer son autorité dans le Kham, là où des principautés autonomes lui échappent. Pour contrebalancer l’influence de ses voisins, il se tourne même vers la Russie et fait passer ses représentants par l’Inde ! Curzon est furieux de cette attitude, lui dont les lettres lui sont renvoyées sans même être ouvertes. Il compte donc utiliser la situation au Sikkim et envoie une expédition militaire forcer les relations diplomatiques en 1904. Le résultat n’est pas celui escompté : la Russie proteste tant que la Grande-Bretagne doit abandonner presque toutes ses prétentions au Tibet. L’auteur suspecte la Russie d’avoir provoqué cette situation, mais il a rédigé son texte avant l’ouverture des archives russes. (voir ici et ). Avant même que Younghusband ne soit revenu en Inde, Londres et Calcutta commencent déjà à démanteler ses acquis. Seul un élément est conservé : la présence de plusieurs marchés. Mais tous les autres points importants sont abandonnés. Le Dalaï-lama ayant fui en Mongolie, les Chinois renforcent leur position en envoyant des hommes nuire à la politique de la Grande-Bretagne et en administrant directement le Kham. Ce renforcement chinois suscite des craintes quant à la sécurité des frontières. L’assassinat d’un officier par des populations tribales du nord-est indien permet de monter des expéditions repoussant la frontière de facto vers les montagnes. La révolution chinoise ne libère pas la Grande-Bretagne des ses engagements précédents : elle ne peut toujours pas parler directement au Dalaï-lama ni reconnaître son indépendance. Mais elle peut soutenir la définition de la frontière entre Tibet extérieur et intérieur afin de tenir la Chine éloignée de sa propre frontière. La Chine et le Tibet sont donc conviés à la conférence de Simla destinée à clarifier le statut du Tibet et ses relations vis-à-vis de la Chine. Ce n’est que sous de fortes pressions, notamment la menace de ne pas reconnaître la jeune république, que la Chine accepte de peur que la Grande-Bretagne se passe d’elle. Malgré tout, elle rejette le texte final que signent la Grande-Bretagne et le Tibet qui se sont par ailleurs entendu sur une modification de frontière.

La Première Guerre mondiale fait passer la conférence de Simla dans l’oubli. En 1918, la ligne McMahon repoussant la frontière indo-tibétaine vers le nord est purement théorique : le gouvernement de l’Assam ne semble même pas la connaître et Londres et Calcutta l’ont oubliée. Un certain nombre de problèmes se posent au sujet des notes échangées pour sa création.
– Celles-ci étaient surtout des notes provisoires et nécessitaient des discussions plus poussées, ce qui fait que les régions concernées sont encore sous administration tibétaine.
– La convention de Simla établissait que le Tibet faisait partie de la Chine et était sous son contrôle partiel depuis au moins 1890. L’Inde peut donc difficilement clamer que la région de Tawang lui a été cédée en bonne et due forme.
– Le traité anglo-russe de 1907 interdisait toute négociation directe entre la Grande-Bretagne et le Tibet, la Chine étant un intermédiaire obligatoire. Ce blocage ne disparaîtra qu’en 1924 avec un nouveau traité anglo-soviétique.
– Les notes échangées ne sont pas un traité car il n’y a pas eu de ratification par le Dalaï-lama ni les grands monastères.
– Le représentant tibétain, Lönchen Shatra, a été disgracié à son retour pour avoir cédé Tawang. Par la suite, les Tibétains évitèrent toute mention de l’affaire. L’auteur soupçonne Lönchen Shatra de ne pas avoir donné tous les détails à Lhassa.
– La Chine n’a été ni informée ni consultée, ce qui passe pour une tentative de soustraire des territoires à son influence.
– Le vice-roi des Indes lui même ne valide pas la nouvelle frontière et ne la considère que comme le fruit des actions individuelles de McMahon.

En 1913, le Dalaï-lama émet un texte considéré comme une déclaration d’indépendance puis fait signer un traité avec les autorités de Mongolie. L’année suivante, il propose d’envoyer mille soldats en Grande-Bretagne sans consulter la Chine, ce qui marque une indépendance de fait. À ce moment, la frontière chinoise est séparée de la frontière indienne par des kilomètres de territoires montagneux contrôlés par le Tibet. Pourquoi risquer des tensions diplomatiques ? La grande-Bretagne a donc deux options : soit minimiser l’importance des accords en public tout en mettant les règlements commerciaux en pratique, soit entamer des négociations avec la Chine pour obtenir la reconnaissance de la convention ou la remplacer par une nouvelle définition de la question tibétaine. Avant de quitter le service indien, McMahon fait plusieurs recommandations dont une seule est mise en pratique : l’offre d’une assistance militaire au Tibet afin de repousser les Chinois les plus longtemps possible. Le Tibet reçoit donc 5 000 fusils obsolètes et plusieurs livraisons de munitions étalées jusqu’en 1917/1918, ainsi qu’un entraînement donné à une poignée de militaires tibétains. Cet armement sera utilisé lors de conflits frontaliers avec la Chine et obligera celle-ci et la Grande-Bretagne à négocier un substitut à la conférence de Simla. Dès lors, deux positions partagent les Britanniques : partir du principe que le Tibet un indépendant de facto et ignorer la Chine, opinion répandue en Inde ; décider qu’il faudra de toute façon discuter avec la Chine pour résoudre le problème, opinion répandue à l’ambassade de Pékin. Dans tous les cas, le traité anglo-russe bloque toute manœuvre. Au Tibet la situation n’est pas satisfaisante car rien n’est réglé et les opinions sont partagées : on n’exclue pas de discuter directement avec la Chine. À l’est, le général tibétain réussit à tenir tête aux Chinois en les empêchant de se concerter mais il sait qu’il n’a pas les moyens de résister à une attaque massive.

Commentaires»

1. Ligne McMahon : informations, photos, carte, vue satellite - 25/12/2009

[…] aurait souhaité obtenir l'accord chinois, mais les autorités indiennes préfèrent ne pas …McKay Tome III, Chapitre LXXXVI « Le catablogEn 1918, la ligne McMahon repoussant la frontière indo-tibétaine vers le nord est purement […]


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