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Le Tibet et la Société des Nations dans les lettres trouvées dans le fonds Sir Charles Bell de la bibliothèque de l’India Office / Tsering W. Shakya 12/04/2010

Posted by Rincevent in History of Tibet / Alex McKay.
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Et le voilà, ce centième chapitre ! Cent articles d’histoire tibétaine ça pourrait effrayer, mais finalement je regrette pas du tout ce (gros) achat. L’auteur montre ici que loin d’avoir été un pays vivant replié dans son isolement et ignorant les réalités internationales, le Tibet des années 1920 était conscient de ce qui se passait dans le monde et a envisagé de rejoindre la SDN.

Le drapeau de la Société des Nations en 1939 © Flags of the World

Le drapeau de la Société des Nations en 1939 © Flags of the World

L’irruption des Britanniques au Tibet en 1904 puis l’invasion chinoise de 1908-1910 ont brutalement interrompu la politique isolationniste menée jusque-là par le XIIIe Dalaï-lama. Ses deux exils lui permirent de rencontrer des diplomates étrangers et de gagner ainsi une expérience vitale pour son pays. Après l’expulsion des troupes chinoises suite à la révolution de 1911, le Tibet fit tout pour obtenir une reconnaissance internationale : proclamation d’indépendance, traité de reconnaissance mutuelle avec la Mongolie, et enfin signature de la convention de Simla en 1914. Bien que celle-ci n’était qu’une fiction juridique, elle marque quand même un changement de cap dans la politique étrangère du Tibet jusque-là inexistante. Le Dalaï-lama cherche donc des soutiens contre la Chine auprès de la Grande-Bretagne, de la Russie et du Japon, mais les deux derniers sont trop loin et peu ou pas intéressés. Il n’obtient aucune reconnaissance officielle à cause de la frilosité des pays étrangers, mais aussi à cause de l’immobilisme des Tibétains qui se réfugient dans un attentisme béat, convaincus qu’ils sont désormais à l’abri de la menace chinoise. Lorsque naît la SDN après la Première Guerre mondiale, les conditions pour que le Tibet obtienne une reconnaissance sont presque réunies grâce à la doctrine Wilson prônant l’autodétermination des peuples (que la Chine adopte pour ses minorités).

Sönam Wangyel (Kusho) Palhese en 1920/1921 © Tibet Album Charles Alfred Bell (1870–1945) © Tibet Album

Sönam Wangyel (Kusho) Palhese en 1920/1921 © Tibet Album
Charles Alfred Bell (1870–1945) © Tibet Album

L’auteur a découvert neuf lettres écrites entre le 28 septembre 1927 et le 09 janvier 1928 qui évoquent la possibilité que le Tibet intègre la SDN. Lorsque Charles Bell, représentant britannique et ami du Dalaï-lama doit revenir au pays, il demande à sa hiérarchie la permission d’emmener un tibétain avec lui. Une fois à Londres, il s’arrange pour que celui-ci, Sönam Wangyel Palhese, puisse correspondre avec un universitaire proche des milieux de la SDN, le docteur Georges Freeland Barbour. Palhese lui affirme n’avoir reçu aucune instruction officielle et que ces démarches sont purement individuelles, mais il dit à Bell que le Dalaï-lama lui a écrit qu’il décidera ultérieurement. Sa grande préoccupation est de savoir si le Tibet peut entrer à la SDN dans la mesure où il n’y a plus aucun Chinois au Tibet (il craint l’opposition de ceux-ci). Il pose quatre questions au docteur Barbour qui reflètent autant la méfiance tibétaine envers l’Occident que ses espoirs :
– La SDN va-t-elle nuire au bouddhisme ?
– Le Tibet va-t-il être obligé d’harmoniser ses lois et coutumes avec celles des autres États membres ?
– Ceux-ci vont-ils envoyer des représentants au Tibet ?
– En cas d’invasion chinoise, la SDN aidera-t-elle le Tibet ?
Cette dernière question est de la plus haute importance pour Palhese car avec la reconnaissance internationale, c’est celle qui motive la politique étrangère du Tibet. Barbour lui fait savoir qu’il devrait contacter directement les responsables de la SDN et répond à ses questions : les États membres de la SDN professent différentes religions et traditions et n’interviennent donc pas dans les affaires intérieures d’un pays. De même, rien n’oblige les membres à recevoir des représentants des autres pays. Enfin, l’article 10 de la convention de la SDN énonce que « Les Membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les Membres de la Société. En cas d’agression, de menace ou de danger d’agression, le Conseil avise aux moyens d’assurer l’exécution de cette obligation. » Mais Barbour fait remarquer que l’éloignement des frontières tibétaines empêcherait toute aide militaire. De plus, l’attitude que la SDN adoptera envers la Chine dépendra de l’évolution de celle-ci, quand bien même sa présence à la SDN implique qu’elle respecte la liberté des autres pays. Concrètement, la SDN n’aurait rien pu faire comme le prouveront les crises internationales des années 1930 en Madchourie ou en Abyssinie. En décembre 1927, Palhese écrit à Balbour qu’il ne fera rien de plus et qu’il va repartir au Tibet en février pour demander des instructions. Avant son départ, il demande à Charles Bell de servir de relais avec le docteur Barbour et ceux-ci semblent avoir convenu d’une rencontre, mais rien ne permet de savoir si elle a eu lieu. Palhese part le 3 février pour Calcutta.

Commentaires»

1. Rincevent - 12/08/2010

Tiens. Les wikipédiens se disputent pour savoir si une phrase venait bien du livre d’Alex McKay. Peut-être remarqueront-ils qu’elle provient du lien donné juste avant (en rouge)…


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