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Le rôle politique des quatre sectes dans l’histoire tibétaine / Hugh Richardson 16/12/2008

Posted by Rincevent in History of Tibet / Alex McKay.
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Encore un chapitre très intéressant, une synthèse de la situation politico-religieuse au Tibet allant de l’éclatement de l’empire au XVIIIe-XIXe siècles.

M. Richardson est vraiment quelqu’un de très agréable à lire. Bien que son article couvre une période très longue et riche d’événements, il arrive à nous la faire parcourir avec clarté et simplicité.

Comme le dit le titre, l’article étudie les liens des différentes écoles (je préfère ce terme à celui de « sectes », trop péjoratif) avec le pouvoir.

L’ère impériale : le bouddhisme y est déjà lié à la politique puisque les doctrines chinoises, justement défendues par les princesses chinoises, s’opposent aux doctrines indiennes. Le coté indien l’emporte, l’influence chinoise étant jugée dangereuse. Cela entraîne la multiplication rapide de moines servant en tant que ministres, ce qui pousse une partie de l’aristocratie à réagir vigoureusement et abouti à l’éclatement du pouvoir. Le bouddhisme ne disparait pourtant pas : il accompagne le fractionnement du pouvoir et dispose d’enclaves protégées par des familles nobles qui en tirent un grand prestige. Suite à l’arrivée d’Atisha, diverses communautés se constituent et commencent à se diversifier, sans entrer en rivalité pour le moment. Elles se contentent d’étendre peu à peu leurs influences.

L’ère Sakya : les religieux sont brutalement contraints de se tourner vers la politique quand les Mongols menacent d’envahir le pays en 1227. Parmi les seigneuries laïques et religieuses, ce sont les Sakyapa qui doivent aller parlementer et tenter d’apaiser les étrangers. Ça marche tellement bien que le chef de l’école est nommé vice-roi du Tibet et inaugure les relations chapelains-protecteurs entre Tibétains et Mongols. La perte de l’indépendance est nominale : les Tibétains restent maîtres chez eux tant qu’ils reconnaissent la suzeraineté mongole. Conséquence : si le pays retrouve un début de gouvernement central, les autres écoles acceptent mal la domination Sakyapa. Au bout de 80 ans, la domination mongole s’effondre de la Chine au Tibet, minée par les rivalités entre clans.

L’ère Phagmodru : c’est un ancien gouverneur au service des Sakya, Jangchub Gyeltsen, qui se rebelle et prend le pouvoir en 1358. Afin de bien marquer sa différence, il rompt les liens avec la cour chinoise (toujours mongole à ce moment). Il réorganise le pays depuis Neudong, située dans le Yarlung, ce qui renforce son image de restaurateur du Tibet. Il nomme des administrateurs et établit que la succession revient au parent mâle le plus proche du chef de l’école. C’est un âge d’or, de prospérité et de tolérance : les autres écoles et les nobles conservent leur autonomie et leur prestige. Les Phagmodrupa s’allient avec les princes de Gyantse et ne connaissent pas d’opposition : les écoles alliées peuvent s’étendre librement, les Karmapa et d’autres entretenant des relations de prestige avec la cour chinoise des Ming. C’est pendant cette période que Tsongkhapa naît puis que ses successeurs fondent l’école Gelugpa. Sous la protection Phagmodru, les monastères de Drepung et Sera sont bâtis autour de Lhassa.

Les centres de pouvoir politico-religieux

L’ère Rinpung : le déclin des Phagmodru commence quand le prince de Gyelkhartse, lassé du manque d’intérêt qu’on lui témoigne, rejette l’autorité de ses suzerains et grignote leur territoire. Bien qu’il ait mené une expédition contre leur capitale Neudong, il continue à les traiter comme ses supérieurs pour la forme. Ses successeurs domineront pendant 130 ans. La sous-école Karmapa de l’école Kagyüpa bénéficie de leur protection : la construction d’un monastère à Lhassa, alors dominée par les Gelugpa, provoque un conflit. Ceux-ci seront alors exclus du festival de la Grande Prière (Mönlam Chenmo, qu’ils avaient eux-même fondé) de 1498 à 1517.

L’ère des princes du Tsang : Vers 1575, les Rinpung sont supplantés par leur ministre Tseten Dorje, prince du Tsang basé à Gyantse, que les Karmapa reconnaissent sans trop de difficultés. Les Gelugpa empruntent à ces derniers le principe de lama réincarné en enfant, système qui rend plus difficile la monopolisation du pouvoir par certaines familles. Profitant de ce que le gouverneur de Lhassa leur est acquis, les Gelugpa voyagent et fondent ou restaurent des monastères. La bonne réputation de leur réincarné, Sönam Gyatso, lui permet de jouer les médiateurs au point qu’Altan Khan, chef des Mongols Tumed, l’invite. Sönam lui fait une si forte impression qu’il y gagne son soutien politique et le titre de Dalaï-lama attribué rétrospectivement à ses deux prédécesseurs. À sa mort, son successeur est opportunément retrouvé en tant que petit-fils d’Altan Khan. Les Mongols tenteront de l’utiliser à leur avantage.

L’ère Gelug : Les princes du Tsang se heurtent aux Mongols et les expulsent pour un moment, mais ceux-ci reviennent en profitant de conflits entre les princes du Tsang et les Karmapa. Le Ve Dalaï-lama se tourne maintenant vers les Oïrats (ou Mongols occidentaux) Qoshot, plus puissants, qui écrasent les princes du Tsang et ses alliés Karmapa. Le nouveau dirigeant réorganise le pays en laissant quelques enclaves autonomes (Sakya, domaines nobles), et certains monastères sont punis en étant annexés. Les Gelugpa construisent des monastères dans les régions où ils n’étaient pas représentés, la force militaire mongole levant toute opposition. Quelques décennies plus tard, le chef des Qoshot tente d’assumer directement le pouvoir mais est chassé par la faction rivale des Dzoungares appelés par les Tibétains. Ceux-ci le regrettent très vite devant les exactions que leurs « alliés » commettent et doivent faire appel aux Mandchous récemment installés sur le trône de Chine. Après la mort du Ve Dalaï-lama, le Tibet est dirigé par son ministre laïc, mais la noblesse a été décimée par les guerres mongoles et sera désormais toujours aux ordres des religieux. N’étant plus une menace pour le pouvoir, les autres écoles peuvent désormais se concentrer librement sur le développement de leurs monastères et traditions. Les échanges entre écoles prospèrent, même si les Gelugpa développent une certaine tendance à la scholastique et au débat aride et que ses effectifs pléthoriques engendrent un certain mépris. Les conflits les opposants par la suite aux autres écoles dépendront surtout des circonstances (invasions népalaises, vendetta personnelles) plutôt que de leur hostilité religieuse.

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